Aux premiers siècles de l'ère islamique l'alévisme et le chiisme ne faisaient qu'un[2]. La divergence est intervenue quand les Turcs se sont islamisés. Il faut dire aussi que les Turcs ont combattu, du VIIe au IXe siècle, les empires omeyyade et abbasside sunnites[3].
L'islam alévi est né en Asie centrale mais a pris sa forme finale en Anatolie, avec les influences des anciennes religions anatoliennes, ainsi que des courants tels que le paulicianisme ou le bogomilisme.
Vers les années 800, le 8e des 12 imams de l'Ehlibeyt (la famille du Prophète), Imam Riza, est arrivé au Khorasan (l'actuel Turkménistan et le nord-est de l'Iran) en raison des persécutions que lui faisait subir les dignitaires sunnites[4]. Quelque temps après, il a commencé à former des disciples et à les envoyer dans les populations turcophones du Khorasan et du Turkestan. Les Turcs se sont convertis via ces élèves car ils servaient la cause de l'Ehlibeyt donc des non-sunnites.
En même temps, de 860 à 931 un état alévi avait été fondé au sud de la mer Caspienne par Hasan bin Zeyd, descendant de l'imam Hassan. Ce fait montre l'importance des partisans d'Ali dans la région. Vers les années 941-942 le voyageur arabe Abu Dulaf, qui se trouvait en Asie Centrale, parle pour la première fois des Turcs alévis (alawi en arabe).
Hünkar Hajji Bektash Wali (Veli) est à l'origine de la confrérie bektachi(Babagan) fondée 3 siècles après sa mort par Balim Sultan ; les Tchelebi (Çelebi), quant à eux, revendiquent leur lignée directement de la descendance du Saint.
Vers les années 1500, l'oppression ottomane envers les alévis devient insupportable et ces derniers soutiennent le Chah Ismail Ier. Ses partisans se font appeler Qizilbash. En 1514 le Chah Ismail perd la bataille contre le sultan Sélim. Les Ottomans qui s'étaient persanisés et arabisés (eux-mêmes ne se considéraient pas comme turc) détestaient les KizilBash (alévis) d'origine turkmène...
Durant tout le XVIe siècle et la première moitié du XVIIe siècle il y eut des dizaines de soulèvements. Les alévis avaient deux possibilités, se convertir au sunnisme ou mourir. Les uns se sont convertis et les autres se sont retirés dans les montagnes.
En 1923 beaucoup d'alevis ont soutenu Atatürk dans ses réformes. Mais durant les années 50-90, la mainmise des sunnites dans les structures religieuses de l'État n'a pas permis d'évoluer vers une reconnaissance officielle.
Aujourd'hui en Turquie
En conséquence les alevis d'aujourd'hui sont confrontés à trois types de discrimination :
Discrimination religieuse
Le problème principal des alévis est que le directorat des cultes (diyanet) est sous le contrôle des sunnites, et les alévis, qui paient leurs impôts comme tous les citoyens turcs, ne profitent pas des services de ce directorat, comme, par exemple, la construction de Cem evis, la formation des Dede, etc. Voyant que rien ne bougeait, les alévis ont créé « Le centre des services religieux de l'islam alévi » (AIDHB) mais attendent toujours une reconnaissance du gouvernement.
Discrimination culturelle
Dans les livres d'écoles il n'y a aucune référence à l'islam alevi tant pour la croyance que pour l'histoire ou la littérature. Actuellement, le gouvernement au pouvoir continue à nier l'islam alevi (et donc un élément important de la culture turque) et cette situation devient de plus en plus préoccupante et crée un malaise dans la société turque.
Il y a un troisième type de discrimination, par exemple, dans l'appareil étatique, plus vous montez dans la hiérarchie moins il y a d'alevi. Cette troisième discrimination est difficile à prouver mais l'existence des deux autres conforte l'idée du troisième.
Discrimination « sociale »
Prétextant la lutte contre le communisme pendant 50 ans, les fondamentalistes sunnites en ont profité pour prendre le contrôle du ministère de l'Intérieur. Par conséquent, il n'y aucun chef de police (« emniyet muduru » en turc) ou gouverneur de province (« vali » en turc) qui soit alevi.
Dernières nouvelles
Le 22 juin, les associations alevi ont accordé deux mois de réflexion au gouvernement pour qu'il accepte:
* de reconnaître et de donner le statut de lieu de culte aux cemevis,
* de mettre en place une structure qui servirait pour la formation des dedes,
* de répartir équitablement (entre alevis et sunnites) les subventions fournies seulement au dinayet.
* de mettre la culture, l'histoire et la littérature alevi dans les livres d'écoles.
Le 19 août la réponse du gouvernement sunnite aux associations alevi était la suivante (on peut la résumer ainsi) : l'islam alevi n'existe pas.